Wednesday, June 28, 2006

Il était trempé jusqu’aux os désormais, avait l’allure des gens qui n’en ont justement plus. Sous cette pluie, dépareillé, les cheveux dégoulinant sur sa figure mal rasée, il était méconnaissable, et cette perspective le réjouissait plutôt.


Non pas qu’il ne soit pas beau. Il plaisait aux filles, charmées par ce grand gaillard au regard océan et aux cheveux châtains en pagaille, à la verve timide et aux gestes parfois gauches. Il avait la beauté des gens qui l’ignorent, une beauté sur le fil, fragile, qu’une remarque malheureuse semblerait à elle seule pouvoir détrôner, pour faire naître les pires complexes dans la tête du malheureux. Il lui arrivait bien sûr parfois de se trouver un charme certain en croisant une glace. Mais c’est surtout dans le regard des autres qu’il cherchait, vérifiait sans cesse, la moindre reconnaissance. Ne s’estimant que peu, il avait besoin d’une cour, de faire-valoir, de boosters d’ego. Siegfried se sentait normal, terriblement normal, et cette normalité était pour lui une anomalie. Ne serait-il jamais, plus qu’un grand garçon, un grand homme ? La seule idée de disparaître de cette Terre de manière aussi indolore qu’il y était arrivé, l’horripilait profondément.


Ce soir, errer seul dans la ville le distinguait. C’était déjà ça.


Siegfried s’était toujours senti coupable ; de quoi, il l’ignorait. Aujourd’hui, il avait bel et bien décidé de transformer cette culpabilité rampante, envahissante, en responsabilité.

2 Comments:

Blogger Jeanfou said...

Clap clap Sophie!

2:31 PM  
Blogger Vincent said...

Yeah :)

3:38 PM  

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