Tuesday, July 04, 2006

Siegfried, comme tout homme banal qui occupe un emploi inintéressant qui ne le valorise pas s’était attelé à exécuter son travail de la meilleure manière qui soit. Un perfectionniste. Comme tout homme résigné, convaincu par le diktat d’une société qui brise les hommes, il s’était plié aux règles et était devenu le meilleur des esclaves. Vassal d’un supérieur hiérarchique tout aussi banal que lui mais jouissant d’une position plus élevée dans l’organigramme de la société donc meilleur. Un complexe d’Œdipe de type nouveau, fruit d’un monde qui se résume en un agglomérat de nomenclatures matérialisées par des hiérarchies à perte de vue. Car c’était bien ça la vie de Siegfried et de ses contemporains: une population libérée, sans Dieu ni maître et qui, dès lors, ne pouvait marcher que si la machine était bien huilée: un temps pour tout, un espace pour chaque activité. La libération de l’homme passe par l’annihilation des déviances et des pulsions. Le bonheur par un totalitarisme qui contente chacun.
Dans l’entreprise, si Siegfried était en dessous de ces hommes c’est qu’il était nécessairement inférieur et devait donc obéir comme un chien à son responsable : un homme libéré dans une société libre, tolérante et épanouie. Avec comme enfant monstrueux : le concept de subordination vitale. Ceci lui avait donc appris la méthode. Il était devenu tatillon et en tant que tel ses plans machiavéliques seraient donc léchés.

Tout d’abord le principe d’action: comment agir ? En sous-main ou attaquer de front ?

Il avait toujours gardé en mémoire un récit parmi d’innombrables autres biographies d’illustres romains la vie d’un certain Brutus; considéré comme retardé par sa famille son père aimant ne l’avait pour autant pas laissé à l’écart et lui avait fait donner toute l’éducation que son rang exigeait. Ce dernier s’affaiblit avec l’âge et Brutus vécut dès lors avec sa sœur mariée depuis. Le mari, un homme violent, inique et sadique était devenu à force de manœuvres, le chef de famille. Bafouant l’autorité patriarcale, il entrepris un soir de supprimer ce beau-père gênant, Brutus se révéla alors. Il assassina son beau-frère après avoir mis à jour les plans malintentionnés de ce dernier. Il n’était pas du tout retardé et avait au contraire très bien intégré la finesse de ses maîtres, la psychologie de sa mère et excellait dans l’art de la guerre.
Cette histoire l’inspirait beaucoup, lui qui avait toujours eu une passion pour le mythe de l’eau qui dort. Infiltrer un milieu pour mieux le détruire.
Mais ce raisonnement avait ses limites. Comment être certain de garder la ligne de conduite que l’on s’est fixée originellement ? Pour quoi réussirait-on là où les autres ont échoué ? Le système n’a t-il pas des mesures appropriées pour les amères, ceux qui se rebellent, ceux souffrant d’un trop plein, une valve de sécurité ? Peut-on objectivement penser que le pouvoir laisserait n’importe qui utiliser ses codes, ses méthodes et ses lois pour se faire déposer ? Si le système donnait l’opportunité à ceux qui se sentent capables de grandes choses et ceux qui en ont le pouvoir de changements profonds, ceux-ci auraient déjà aboutis depuis un moment. Des hordes entières de personnes ont déjà maintes fois pensé pouvoir faire des exploits, ce sont à présent les cadavres désabusés de jeunes gens idéalistes, parfaitement intégrés. Siegfried se trouvait donc face à un dilemme. Attaquer de front –très risqué- ou agir clandestinement –avec le risque de ne finalement que se faire répéter l’histoire en inventant un nouveau moyen d’intégrer ses frustrations et son désespoir pour changer un monde qui les a engendrés.

3 Comments:

Blogger Jeanfou said...

Est il utile de dire ici que j'apprécie ta plume, ta causticité et les accroches "philosophiques" de ton texte

12:45 PM  
Blogger Poncho said...

peut-être que le sens giratoire terrestre ne s'en trouvera pas profondément bouleversé mais en ce qui me concerne ça me fait foutrement plaisir pour être un brin gascon. merci beaucoup

5:03 PM  
Blogger mawine said...

Pour ne pas tomber dans la paraphrase facile, je fais encore plus simple : tout pareil que jeanfou mon cher poncho !

10:45 AM  

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