Thursday, June 29, 2006

Il était las de se laisser ballotter par la vie. Las de toujours tout accepter sans jamais avoir voix au chapitre de sa propre existence. Il était las aussi de culpabiliser de sa lâcheté. Las de supporter bon nombre de ses relations sociales simplement car il n’avait pas la force de s’affirmer, ou qu’il se mentait en disant qu’elles lui serviraient peut-être un jour. Il se sentait bien supérieur aux autres, et ce depuis toujours. Mais il était trop dégonflé pour l’assumer voilà tout. Il savait bien que tous ces gens qui l’entouraient n’avaient aucun destin, alors que lui avait toutes les clés de la réussite dans sa poche. Tout ce temps, il avait été trop absorbé à se faire passer pour quelqu’un de commun et de fort ennuyeux. Alors qu’il aurait pu profiter de tout ce temps perdu pour mettre sa vie sur les rails.

Il se maudissait d’avoir laissé sa destinée à la dérive, de peur de s’y frotter vraiment, de peur de se planter.

Il commençait déjà à se demander si ce n’était pas l’alcool qui parlait, et si ces belles résolutions ne s’évaporeraient pas en même temps que son taux d’alcoolémie. Il espérait que çà ne soit pas le cas.

Il fallait qu’il profite de sa motivation présente, qui risquait fort de ne point durer, pour mettre en place un plan et une attitude qui lui offriraient la possibilité de corriger son cap. Il repensait sans cesse à ce projet fou qu’il avait en tête, mais passer de sa situation présente à sa réalisation paraissait incommensurablement compliqué. Il allait devoir préparer des étapes. Dès demain, il serait en marche, et rien ne l’arrêtait.

Alors qu’il se perdait dans ses pensées machiavéliques, le soleil commençait déjà à se lever. Voilà qui réglait le problème du lit pour cette nuit.

Wednesday, June 28, 2006

Il était trempé jusqu’aux os désormais, avait l’allure des gens qui n’en ont justement plus. Sous cette pluie, dépareillé, les cheveux dégoulinant sur sa figure mal rasée, il était méconnaissable, et cette perspective le réjouissait plutôt.


Non pas qu’il ne soit pas beau. Il plaisait aux filles, charmées par ce grand gaillard au regard océan et aux cheveux châtains en pagaille, à la verve timide et aux gestes parfois gauches. Il avait la beauté des gens qui l’ignorent, une beauté sur le fil, fragile, qu’une remarque malheureuse semblerait à elle seule pouvoir détrôner, pour faire naître les pires complexes dans la tête du malheureux. Il lui arrivait bien sûr parfois de se trouver un charme certain en croisant une glace. Mais c’est surtout dans le regard des autres qu’il cherchait, vérifiait sans cesse, la moindre reconnaissance. Ne s’estimant que peu, il avait besoin d’une cour, de faire-valoir, de boosters d’ego. Siegfried se sentait normal, terriblement normal, et cette normalité était pour lui une anomalie. Ne serait-il jamais, plus qu’un grand garçon, un grand homme ? La seule idée de disparaître de cette Terre de manière aussi indolore qu’il y était arrivé, l’horripilait profondément.


Ce soir, errer seul dans la ville le distinguait. C’était déjà ça.


Siegfried s’était toujours senti coupable ; de quoi, il l’ignorait. Aujourd’hui, il avait bel et bien décidé de transformer cette culpabilité rampante, envahissante, en responsabilité.

Monday, June 26, 2006

Mais avant qu'il ne puisse accomplir ce grand destin auquel il se promettait, Siegfried devait réussir à rentrer chez lui.

Il avait encore passé la soirée à s'ennivrer de ces lendemains glorieux, à se délecter de la reconnaissance qu'il obtiendrait...Il s'était rapidement dégrisé lorsque le tenancier le jeta dehors. "Il faut que je ferme, Monsieur, c'est un arrêté préfectoral". Le café de quartier dans lequel il avait trouvé refuge pour noyer sa solitude lui offrait le confort froid de l'anonymat des foules. Personne ne le connaissait, il pouvait se payer le luxe de ne pas sourire, il pouvait boire jusqu'à ce que plus rien ne compte, jusqu'à ce qu'il oublie les questions qui le tourmentaient. Il était si proche de réussir...De pouvoir enfin comprendre ce qu'il faisait dans ce grand jeu à somme nulle, dans cette grande mascarade que l'on appelle communément la Vie...Si seulement il trouvait ce qu'il cherche, il saurait...

Seul sous la pluie battante, il était à quelques centimètres d'un confort certain, il ne lui manquait qu'un morceau de féraille pour embrasser la promesse d'un lit bien chaud...

Sunday, June 25, 2006

Bien sûr, lui ne le voyait pas de cet oeil. Des soucis, il en avait, à la pelle. Mais il souffrait de ce manque d'objectivité qui touche fatalement tous ceux dont le soucis premier n'est pas de survivre, mais de savoir comment ils vont pouvoir occuper intelligement leurs journées. Cette espèce qui passe tant de temps à réfléchir à tous les moyens d'atteindre le bonheur qu'elle reste assise dans son canapé à y songer plutôt que de défier son destin chaque jour.

Mais c'était fini tout çà. Siegfried était voué à un grand avenir. Il le savait. Il l'avait toujours su. Restait à en convaincre les autres. Il allait certainement commencer par quitter cet emploi minable de comptable qu'il occupait depuis deux ans, et qui lui valait autant de considération qu'un chat mort au bord de l'autoroute. Il allait leur montrer à tous. Maintenant il avait un projet, un grand projet. Et plus il y songeait, plus il était impossible qu'il ne le réalise pas. C'était bien sûr, tous les évènements de sa vie l'avaient amené à ce point précis. Tout concordait. Il allait pouvoir agir et changer le regard des autres à jamais. Il ne lui restait plus qu'à trouver l'élément final ...

Saturday, June 24, 2006

« 25 ans… Ca fait 25 ans que je lutte contre la gravité ambiante, que je traîne ma carcasse dans cette vie haletante, dans cette vie aussi excitante que les aventures les plus folles du « club des cinq »…Ca ne peut plus durer…C’est décidé, aujourd’hui sera le dernier jour de cette fuite en avant. Je prends mon destin en main ! Je n’avancerai plus sans savoir ou mes pas me mène, je ne veux plus être une marionnette ! Je ne veux plus être un fétu de paille en proie aux vents du hasard ! Je serai le seul et unique acteur de ma vie ! »

Ces propos d’une banalité des plus commune étaient tenus par Siegfried alors qu’il sillonnait les rues de Berne. Le pauvre garçon était issu d’une famille sans histoire, avait toujours été aimé et chéri, avait toujours du insister pour qu’on ne le resserve… Il souffrait de ce qu’il est de bon ton d’appeler le spleen, un mal de vivre propre aux personnes qui n’ont aucune raison de se plaindre.